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Pline «critique d'art»? Les avis contradictoires de Diderot et Falconet
Pline se souciait de Ia postérité et Ia postérité n'a cessé de se soucier de lui, comme ce colloque en témoigne. Or il s'est produit une circonstance où l'intérêt s'est porté sur Pline à cause précisément de Ia question de Ia postérité, à cause d'une polémique sur Ia question de savoir si Ie grand homme, et plus particulièrement l'artiste, doit considérer qu'il travaille plus pour ses descendants que pour ses contemporains, et que Ia vraie gloire, Ia seule qui compte, est celle qui perpétue un nom au-delà des frontières de Ia mort. La dispute oppose Diderot et Ie sculpteur Falconet. Elle commence un matin de l'hiver 1765, par un entretien oral qui se prolonge en une correspondance d'un peu plus de deux ans. Au total, vingt-cinq lettres, dont Ia dernière édition, intitulée Le pour et Ie contre, est due à Yves Bénot. C'est à cet ouvrage que je me réfère 1. Il ne me paraît pas inopportun de présenter ici cette importante querelle, bien que Ie sujet comporte un inconvénient majeur. En effet, il s'agit d'opinions, et même d'opinions sur l'opinion que Pline avait des arts; de jugements de qualité sur les jugements de qualité qu'il portait sur les artistes. C'est donc un terrain un peu mouvant. Mais sur ces questions, ce qui résume notre propre appréciation d'une oeuvre ou d'un homme, n'est-ce pas toujours en fin de compte un jugement de qualité? Considérons donc cette correspondance. La genre de Ia lettre, qui s'apparente à un dialogue différé où les répliques sont plus nourries, ne se prête pas à des exposés
1 Yves Bénot, Le pour et Ie contre (Les Editeurs français réunis, 1958) avec introduction et variantes.
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