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L'IMAGE DE L'ESPAGNE DANS LA PENSÉE POLITIQUE FRANÇAISE DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XVII* SIÈCLE
«Quoi, que ces marranes soient nos rois, nos princes, que Ie gentilhomme français fléchisse sous Ie commandement espagnol! Que Ia France soit ajoutée entre les titres de ce roi de Majorque, de ce demiMaure, demi-juif, demi-sarrasin... Comment, queUe indignité, queUe hont à Ia France que ce nouveau venu, ce nouveau chrétien que nous avons tiré de l'Alcoran et de Ia Synagogue, qui, sans nous, serait encore sarrasin ou juif qu'il ait seulement osé penser d'entreprendre de marcher devant nos rois très chrétiens, successeurs des plus grands et des plus anciens rois du monde!» l. Lorsqu'on a présent à l'esprit Ie rôle joué par PhUippe II en France, on ne s'étonnera pas de voir notre pensée politique dessiner de l'Espagne et de ses monarques un portrait peu flatteur à l'aube du XVIIe siècle. Dès 1559 —date de l'accession de Philippe II au trône et de Ia paix de Cateau-Cambrésis— jusqu'à ceUe de Vervins, ce monarque n'a cessé de s'immiscer dans les affaires françaises. SiUion accuse nommément l'Espagne d'ôtre l'instigatrice de Ia Saint Barthélémy *. La Ligue, on Ie sait, fut largement financée par Philippe II qui ne pouvait admettre qu'un réformé gouvernât Ia France, mais il est une autre raison à Ia subversion espagnole. L'auteur anonyme du Traité ptiraénétique* nous apprend que, dès novembre 1582, Ie fils de Charles Quint était résolu à dépenser «un million d'or et plus tous les ans» pour entretenir les Français toujours en guerre intestine et civile afin qu'ils ne puissent intervenir en faveur du Portugal victime de Ia récente annexion espagnole4. Les projets du maitre de l'Escorlal furent découragés par les succès miMtaires d'Henri de Navarre et, plus tard, par sa conversion. Crucé se fait l'écho de cet échec lorsqu'il écrit: «Philippe II, roi d'Espagne, en saurait bien que dire qui a employé tant de millions d'or avec si peu d'avancement que son exemple a servi d'instruction à son successeur pour rechercher utilement Ia paix es lieux où il pouvait faire inutilement Ia guerre» 5. Si l'on connaît Ie mot du bon roi Henri au duc de Feria qui repartait
1 Antoine Arnaud, Copte de l'Anti-Etpagnol (Paris ISAO) p. U. 2 Jean Silhon, Le ministre d'E*tat avec to vtfrttoMe usage de to politique moderne (Paris 1631) p. 265. 3 Anonyme, faussement attribué & Antonio Pérez, Traicte paraénétique c'est-à-dir« exhortatoire (Aux 1597). 4 Ibid., fol. 2v. 5 Emeric Crucé ou de Ia Croix, Le Nauveaut Cyn4e (Paris 1623 p. 13.
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