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REDC 47 (1990) 9-21
HEURS ET MALHEURS DU DROIT CANONIQUE
Comment peut-on étre Persan? Comment peut-on étre canoniste? Telle est la question que je me posai lorsque mon évéque, qui m'avait laissé étudier la théologie pendant un an á la Faculté de Louvain, me signifia, par personne interposée comme c'était alors la coutume, qu'il me priait de m'inscrire á la Faculté de droit canonique. L'accueil de Van Hove, pour cordial qu'il fát, n'en restait pas moins énigmatique. Me regardant par-dessus ses lunettes il me demanda: `Aimez-vous le droit canon?' et, aprés avoir obtenu une réponse polie, mais évasive; il conclut: suis passé par lá. Travaillez bien, vous finirez par l'aimer; n'oubliez pas de vous occuper des étudiants: cela fait partie de votre formation de canoniste'. N'empéche que le changement de faculté m'écartait du coeur du débat religieux, des questions essentielles pour lesquelles un jeune homme, un jeune prétre s'engage, et m'aiguillait 'sur une voie de garage', á joder les utilités, sans risques peut-étre mais exilé trés loin des vraies valeurs, celles du Royaume. Non, décidément le droit canon n'avait pas bonne presse cela n'a guére changé-- et les sourires discrets et pleins de commisération qui m'accueillaient (et qui, aprés 50 ans, m'accueillent encore) en disaient long. Que lui reprochaiton donc á ce pelé, á ce galeux? Tout d'abord son caractére purement positif et volontariste: recueil d'ukases, u n'avait que faire de l'intelligence, celle-ci devant seulement déterminer ce que le supérieur avait concrétement formulé dans le texte de sa loi et le sens obvie ou plutót juridique (ou canonique si l'on préfére) de texte. Les moralistes nous faisaient interdiction de considérer les institutions ecclésiastiques ou encore les actions á régler et leur aspect ou leur fonction religieuse; surtout pas les personnes dont les actions étaient assujetties á nos `canons'. Seul l'aspect formel et réglementaire était notre domaine; quant au reste: `sutor ne ultra crepidam.' Le réglement pour le réglement et en tant que réglement, tel était notre domaine... Mais aussi toutes ses failles et tous les moyens —honnétes ou non, peu importait au fond pourvu qu'on se maintint dans la légalité---- de l'esquiver, soit en se soustrayant á son rayon d'application, soit en bénéficiant d'un motif d'excuse, soit enfin en découvrant une raison instante ou simplement suffisante de demander une dispense et de l'obtenir, bref, du méme point de vue formel, toute la gamme des `combinazioni' qui avait rendu célébre le droit canon. Tout cela d'ailleurs, basé sur un formalisme textuel incontournable. Le Code n'était pas assez vieux pour avoir dépassé le stade des glossateurs et la Congrégation des Séminaires et Universités exigeait que ron suivit, dans l'exposé des matiéres, l'ordre métne du C.,ode, canon par canon,
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