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DIFFICULTES RELATIVES À L'ETUDE DE LA PENSEE DE SUAREZ CONÇUE COMME SYSTÈME. L'EXEMPLE DE SES THÈSES JURIDIQUES ET POLITIQUES
Suarez se donne, quant à Ia pensée, pour thomiste, et adopte, quant à Ia forme d'exposition, Ie mode du commentaire: celui, précisément, des différentes parties de Ia Somme théologique. Il va dès lors se poser un problème habituel lorsqu'on étudie les thèses d'auteurs qui se réclament d'une école ou d'un mouvement de pensée: quel est Ie degré d'originalité et de systématicité dont on peut les créditer? dans quelle mesure est-il possible de parler de philosophie suarezienne? C'est une question à laquelle se heurtent tous les interprètes, qu'ils Ia thématisent ou non. Les pages qui suivent vont tenter de répertorier les différents modèles de réponse possibles; elles analyseront ensuite, sur l'exemple de Ia loi, Ia façon dont s'imbriquent les «héritages» thomiste et nominaliste à l'intérieur d'un système cohérent.
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1) En principe une problématique (philosophique ou autre) se définit par un certain visage, un certain contour qui Ia distingue des autres. Il semble que dans Ie cas de Suarez ce soit ce visage même qui soit contesté, avant de pénétrer dans les interprétations de détail. Nous voyons en effet les historiens diverger du tout au tout sur Ia question même de savoir s'il existe un suarezisme. Il sera instructif de faire sur ce point un catalogue d'opinions: l'un des premiers rénovateurs du thomisme au xixe siècle, Ie Cardinal Gonzales, refusait absolument dans son histoire de Ia philosophie de reconnaître aucune spécificité à Suarez; il affirmait donc une continuité parfaite de Saint Thomas à Ia seconde scolastique: «La denominación... de Suarismo, como sistema filosáfico diferente del Tomismo, carece absolutamente de fundamento, si con tal nombre se designa Ia concepción filosófica personal de Suárez, porque los tres o cuatro puntos en que se separa de Santo Tomás y que son de importancia secundaria bajo el punto de vista puramente filosófico, no justifican semejante denominación»1. Au contraire L. Mahieu écrit dans son ouvrage sur Suárez: «Pourtant dans l'ensemble, c'est à Ia tendance scotiste ou à Ia tendance ockhamiste que cède Suarez; bien que son ouevre théologique se présente comme
1 Z. González, Historia de to Filosofía, II, 541 (cité par Grabmann, Mittelalterliches Geistleben..., p. 550).
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