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REDC 49 (1992) 225-234
PROPOS DE LA PREUVE DANS LE DROIT CANONIQUE MÉDIÉVAL A D. Maffei en cordial hommage
D'AGOBARD AU DÉCRET DE GRATIEN L'importance primordiale de la preuve en matiére juridique n'a pas á étre rappelée longuement. Si Pon ne peut prouver son droit, celui-ci risque trop souvent de rester comme paralysé. Or «prouver» est avant tout convaincre de la réalité d'un événement passé, des conditions dans lesquelles s'est produit un accident d'automobile, a été commis un crime, pris l'engagement de faire un travail ou de payer une somme, etc. Ce passé n'est plus, et rien ne saurait le restituer. Tout historien connait cette difficulté fondamentale. Le témoignage oral risque d'étre imprécis, volontairement ou non inexact. L'écrit est: parfois falsifié. A la limite, la preuve est donc question de confiance. Celle-ci peut s'appuyer sur des «données rationnelles», qui cherchent á fonder cette confiance sur le raisonnement. 11 arrive aussi qu'elle repose sur la confiance que l'on fait á celui qui affirme, ou qui nie, un fait. On oppose souvent un systéme de «preuves rationnelles» aux preuves «irrationnelles»; en face des preuves, on met parfois l'«épreuve», á laquelle est soumis le déclarant. Mais l'épreuve, qui doit «authentifier» la déclaration, comporte déja en elle-méme des risques, voire un chátiment. D'oü une confusion, dont témoigent certaines mentalités ou certaines pratiques, entre la recherche de la preuve et la punition de la faute. Recherche de la réalité d'un fait passé, détermination de la confiance ou de la crédibilité accordée á une personne, on est, semble-t-il, loin du droit. On s'explique dés lors que pour certains esprits la question des preuves ne paraisse pas relever du droit. Ainsi en allait-il dans la Rome antique; les juristes classiques n'ont pas élaboré una théorie de la preuve, considérant qu'il ne s'agissait lá que de questions de fait. Aux parties de fournir les preuves de leurs allégations et de le faire de le fagon qui leur paraitrait la plus opportune. Au juge d'apprécier la valeur de ces preuves et de se faire librement son opinion. D'autres systémes juridiques ont au contraire réglementé plus ou moins strictement «la prestation» des preuves. La loi fixe la liste des preuves admises. Ainsi en va-t-il dans l'un des plus récents codes, celui de l'Eglise latine (1983). Au Livre VII, consacré aux «Procés», dans sa seconde Partie «du procés contentieux», un Titre IV est consacré aux preuves. 11 ne comporte pas moins de six chapitres (c. 1526 et suiv.). Six preuves sont retenues: l'aveu en justice, la témoignage, l'expertise, le
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