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REDC 44 (1987) 37-70
GRATUITÉ DU CULTE ET SUBSISTANCE DE SES MINISTRES*
La gratuité inhérente au ministére du culte n'exclut pas Pindemnisation des personnes qui s'y consacrent; elle appelle roffrande en compensation du dévouement. Entre le donataire et le gratifié, la commune intention des parties semble écarter une équivalence de valeurs; la générosité du fidéle réprondrait au désintéressement du ministre sacré. Leur rapport de droit ne repose pas apparemment sur des 'intéréts économiques' 1 , ni sur un lien de causalité entre le service fourni et les sommes remises sans esprit de contrepartie. Le don de soi transfigure en effet la prestation de service, au point de lui donner l'apparence d'un acte bénévole, alors méme qu'il donne lieu á un versement d'argent. A cette thése, s'oppose cene d'un acte á titre onéreux, caractérisé par la cause du contrat conclu entre les parties: leurs obligations réciproques ressemblent fort á un échange, comportant Pappauvrissement de l'une d'elles au profit de l'autre. Telle apparait la convention liant le prétre á son diocése 2 Le débat met ainsi en présence deux conceptions du lien religieux et de son expression pécuniaire: la gratification et la rémunération du culte. Selon la premiére, Pacte prend sa cause dans la gratuité, mais pour la seconde il la tient d'un échange, du type do ut lacias. Cette derniére analyse parait séduisante en raison de son réalisme; la générosité ne suffit pas á caractériser la cause d'un acte assorti de prestations onéreuses pour les parties. Méme présidé par les plus nobles mobiles, le ministére du culte comporte des obligations réciproques, dictées par des intéréts objectivement vérifiables; le desservant vit des services qu'il apporte au fidéle et celui-ci en retire un avantage, sans doute purement moral mais qui n'en constitue pas moins une contrepartie.
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L'histoire des institutions religieuses peut éclairer le débat en faisant ressortir les structures essentielles et permanentes du ministére cultuel, dans la
Extrait d'un ouvrage à parattre dans Biblioth¿que d'ouvrages de droit social, Librairie générale de droit et de jurisprudence (París) . Notre analyse s'inscrit dans une éttide de sociologie juridique portant sur les divers cultes existant en France. Pour une exéglse approfondie du can. 281 § 1, v. F.-R. Aznar Gil, 'La conveniente remuneración de los clérigos en el Código de Derecho canónico', Ciencia tomista, 113 (1986) 527-81. 1 V. cependant l'arrét de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 Avril 1910, Dallaz périodique (Paris 1910) 1.191. 2 Cliambce civile de la Cour de cassation, 13 Mai 1958, Btdletin des arréts de la Ch. civ. (1958) 1, n. 240.
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