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«Appellez-vous cela fureur poeticque?»
(Rabelais et les Muses)
Panurge vient d'écouter le dernier poéme et les dernieres paroles du poéte Raminagrobis á l'article de la mort (III 22, 648) I . Persuadé de n'entendre lá que sous-entendus anticléricaux, ji s'insurge: Appellez-vous cela fureur poéticque? Faisant ainsi référence á une doctrine trés précise que J. Lecointe classe, chez Rabelais, «parmi les motifs déjá traditionnels et quelque peu brocardés de la sublimité de l'écrivain»', il est visiblement au courant des théories qui fleurissaient dans les cercles humanistes et les salons littéraires: c'est en 1546, l'année méme où parait le Tiers Livre, que Richard Le Blanc traduit en franÇais le Dialogue de Plato philosophe divin intitulé lo, qui est de la fureur poetique et des louanges de Poesie 3 L'exclamation de Panurge laisse-t-elle entendre de la part de Rabelais 4 l'humaniste qui a traduit du Platon, une critique qui retrouverait d'instinct l'ironie initiale du philosophe, la distance mise par les Anciens entre leur conception du génie et son expression métaphorique? 5 II serait ainsi moins platonisant que
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1 Nos références renvoient á la page de l'édition des (Fin:res complétes Rabclais, Le Seuil, 1996, 2 L'idéal et la difffirence, Genéve. Droz, 1993, p. 284. 3 Le inot fureur, dans ce sens teehnique, semble n'étre apparu en France qu'en 1542 dans La Pm jalde Aniie d'Héroét. 4 C'em l'interprétation de H. Franchet, Le poéte et son teurre d'aprés. Ronsard, Champion, 1923, p. 13. 5 Voir la thése de J. Lecointe citée supra. notamment le chap. 11, «Le génie et la fureur» (pp. 226 et suiv.): le ficinisme lui-méme, suriout dans la version du De
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