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LES PENSEURS ESPAGNOLS DE LA PREMIÈRE PARTIE DU XVII e SIÈCLE FACE AU MODÈLE SCRIPTURAIRE
La déclin de Ia puissance espagnole au xvii* siècle reste un des thèmes de méditation qui fascinent encore, même si Ia pluralité des causes a été depuis longtemps mise évidence. Economie, démographie, politique, tout a été analysé par les meilleurs esprits. Le présent article tente de comprendre l'importance du modèle scrlpturaire dans une conjoncture déterminante pour l'histoire de l'Espagne: Ia première moitié du xvii' siècle. Le paradoxe Ie plus prégnant est sans conteste Ia lucidité du constat et Ia persévérance dans les conduites dénoncées, Ia sûreté du diagnostic et l'imposibilité d'apporter Ie remède efficace, les volontés de changement souventes fois manifestées et les résultats obtenus. Tout cela confond et étonne. Rien n'a manqué à l'Espagne mais cette puissance qui inquiète l'Europe jusqu'au traité de Westphalie n'est pas soMdement fondée car elle tient plus de Ia fidélité au modèle que du désir de modernité qui passe par Ia ratio, Ie calcul, qu'il soit politique, scientifique ou économique. Précisons qu'il s'agit d'un modèle scripturaire attentif à l'ordre et aux miracles, non générateur de transformations comme ce fut Ie cas pour l'Angleterre révolutionnaire de Ia même époque, qui a puisé dans Ia politique des Hébreux ses plus radicales exigences sociales. Alors même qu'elle se lance, souvent avec bonheur, dans des aventures militaires où elle se couvre de gloire, l'Espagne reste toujours fascinée par un passé qui lui enjoint l'obéissance sacrificielle au modèle théologico-politique de l'Ecriture. Avant de méditer sur ce briUement paradigmatique, signalons que tous n'en sont pas aveuglés. Dès l'aube du xvii" siècle, Cellorigo écrit que les Espagnols se sont fabriqué «une république oisive et vicieuse, une république d'hommes enchantés qui vivent hors de l'ordre naturel- l. Le Memorial de cet auteur est un réquisitoire; il met Ie doigt sur toutes les plaies2 qui défigurent
1 Martin Gonzalez de Cellorigo, Mémorial (Madrid 1818) analysé par I. S. Révah In 1Le plaidoyer en faveur des nouveaux chrétiens portugais...'. Revue des Etudes Juives, t. 2, CXXII (Paris 1963) p. 294. 2 Parmi les plus évidentes: dépopulation, mépris du travail et du commerce, confiance dans Ia richesse du pactole américain, prolifération des religieux, etc... Sur ces problèmes voir, entre autres ouvrages, J. Vicens Vives, Historia económica de Esparta (Barcelona 1909).
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